Voilà un millésime rare et précieux puisqu’il signe à la fois un bicentenaire et une révolution. En 1814, le major général Charles Palmer donne son nom à la propriété, s’engageant à sublimer ce magnifique terroir en produisant un cru d’exception. Deux-cents ans plus tard, tout en restant fidèle à son nom et à son histoire, Château Palmer bouscule les conventions et parachève avec panache sa conversion à 100% en agriculture biologique et biodynamique. En 2014, la biodynamie n’est ainsi plus une intuition ou une promesse, mais un acquis déterminant pour la décennie à venir.
« Après 2013, nous nous sentions prêts à prendre nos responsabilités et à convertir la totalité du vignoble en biodynamie »
Thomas Duroux — directeur, Château Palmer
De fait, l’épreuve du millésime précédent, avec sa météo épouvantable et ses merlots assiégés par le botrytis, a permis d’affiner le savoir-faire des équipes. Chacun sait désormais qu’il est possible de pallier le déficit de soleil par un soin renouvelé de la terre et un assemblage millimétré au chai. Le millésime 2014 profite aussi de l’été indien et d’une technique qui s’affine puisque, pour la première fois de l’histoire moderne de la propriété, on ne sulfite plus la vendange. Retarder les apports de soufre permet de mieux goûter les cuves, de mieux comprendre l’extraction des tanins et de produire in fine des vins en prise plus intime avec leur terroir.
« En 2014, l’écosystème tend vers son équilibre et nous pouvons franchir cette étape décisive de notre vision »
Sabrina Pernet — Directrice technique de Château Palmer
L’hiver est doux, dignement arrosé, permettant aux sols de la propriété de renouveler leurs réserves en eau. Le terroir affronte peu de jours de gel, conditions qui favorisent un débourrement précoce de la vigne. Le printemps, lui, retarde sa parade et la floraison opère fin mai dans un climat humide. Dès juillet, le temps se montre instable et l’été tourne à l’orage. Les vignes se concentrent sur leur feuillage, au détriment de leurs raisins. Le mois d’août est l’un des plus frais depuis 2000, bénéficiant d’une faible amplitude thermique. La véraison traîne. Les baies grossissent au-delà du raisonnable et les vignerons redoutent le pire, c’est-à-dire une récidive de 2013.
La très belle arrière-saison sauve heureusement la donne. Entre septembre et la première quinzaine d’octobre, des conditions climatiques exceptionnellement chaudes et sèches vont peu à peu modifier le profil et la qualité du millésime. A partir du 27 août, le soleil revient au beau fixe et s’installe durablement dans le ciel margalais. C’est un été tardif, indien, providentiel, qui s’étire jusqu’à la fin du mois d’octobre. Les températures grimpent, le temps sec réduit la taille des baies et favorise leur concentration en sucres, en anthocyanes et en tanins. Dans tous les sens du terme, la rentrée fut chaude.
« Nous avions pris un engagement, parier sur la biodiversité et la résilience de la vigne »
Sabrina Pernet — Directrice technique de Château Palmer
Les vendanges sont lancées le 22 septembre. Elles s’achèvent sous un soleil radieux le 14 octobre. La météo idéale permet de ramasser des raisins à parfaite maturité et sans pression botrytis. Au cuvier, l’innovation est à l’honneur. Les équipes de Château Palmer jugent la récolte suffisamment saine pour la dispenser de soufre ajouté, dans le sillage des expérimentations lancées depuis deux ans. Ceci pour laisser le raisin exprimer immédiatement toute sa complexité.
Pendant l’assemblage, tout est pesé au trébuchet, avec un summum de douceur et de minutie pour préserver le beau velouté du jus. Un millésime soyeux et coloré se dessine. À ce stade, les vins reflètent déjà l’admirable diversité parcellaire de la propriété. Et l’approche biodynamique confirme ses promesses dès les premières dégustations. Un voile s’est levé. Et si la biodynamie nous rapprochait de notre terroir ?
« À l’arrivée, 2014 est un millésime énergique et harmonieux, dont la palette aromatique ne cesse de s’étoffer avec le temps »
Thomas Duroux — directeur, Château Palmer
2014 est un millésime énergique et soyeux, fort de sa vigueur aromatique, avec ses belles notes de fruits noirs, d’épices, de poivre et de bois noble. Le grain est fin, caressant. Le vin, plus soyeux que velouté, d’une belle harmonie. S’il était un peu fermé à l’origine, ses dix années de repos semblent lui avoir offert une maturité nouvelle, révélant des subtilités indécelables lors de ses jeunes années. Dix ans déjà, dix ans seulement — et tant d’horizon devant lui !
« Intégrant magnifiquement l’élevage, exhalant le fruit et la minéralité, Château Palmer 2014 nous surprend encore et confirme son excellence »
Thomas Duroux — directeur, Château Palmer
Photographie par Laura Stevens