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Palmer & vous

Paul Cupido artwork

Paul Cupido

Photographe
Pays-Bas
Il n’y a plus grand défi pour un photographe que d’archiver l’invisible. Né en 1972 aux Pays-Bas, Paul Cupido s’y emploie avec délicatesse, traquant la beauté fugace et éternelle de la nature, capturant les reflets de la lune sur les pétales ou la peau.

Ces images sensibles, mélancoliques, existentielles, déploient leur lumière de New York à Zurich, où il est régulièrement exposé — ou dans ses livres, comme Searching for Mu (2017) ou Éphémère (2019). Photographe intuitif et perfectionniste, passionné par le Japon, l’artiste sera cette année en résidence de création à Château Palmer. Le fruit de son immersion sera ensuite exposé à la galerie Leica (Paris).

Paul Cupido Portrait

On peut imaginer que l’environnement de cette résidence est propice quand on travaille comme vous sur la nature, l’impermanence des choses, la beauté des saisons ?
 

Récemment, Château Palmer m'a donné la chance de visiter le domaine, de rencontrer les vignerons et d’apprécier sa situation géographique, le long des rives fertiles de la Garonne. De goûter, au sens propre comme au figuré, la philosophie et l'héritage du château : l’élaboration circulaire de ces vins magnifiques. J'ai été très impressionné par le site, les animaux, le sol, la culture, le dévouement. Je souhaite proposer une interprétation poétique de ces éléments, comme un compositeur traduit des sentiments en notes ou un vigneron interprète ce que la nature nous donne. Sur place, je compte garder mes sens en éveil. Je suis convaincu que l'œuvre doit s'imposer d'elle-même. En tendant l’oreille à "l’esprit du lieu", en apprenant ce que cette terre veut de moi.

Pouvez-vous définir le concept de Mu, si important dans votre travail ? 

 

Pendant ma formation à la Fotoacademie, à Amsterdam, j'ai fait un pèlerinage de Tokyo à Abashiri (Hokkaido) pour réfléchir à la vie, aux grandes questions. Je traversais une période difficile, des amis chers m'avaient quitté et je n'arrivais pas à m’y résoudre. Mais en marchant et en prenant des photos, je suis enfin parvenu à accepter que la vie ait une fin, tout en sachant que celle-ci est circulaire, recommence encore et toujours. Mu représente cet état zéro, un point de néant, au-delà du désir. Pour moi, l'art est un moyen de vivre le moment présent, qu’on soit spectateur ou créateur. L'art permet de s'élever à une fréquence supérieure.

Paul Cupido's artwork women looking at sea

«  Récemment, Château Palmer m'a donné la chance de visiter le domaine, de rencontrer les vignerons et d’apprécier sa situation géographique, le long des rives fertiles de la Garonne. J'ai été très impressionné par le site, les animaux, le sol, la culture, le dévouement. Je souhaite proposer une interprétation poétique de ces éléments, comme un compositeur traduit des sentiments en notes ou un vigneron interprète ce que la nature nous donne. »

Paul Cupido, Photographe, Pays-Bas

Paul Cupido's artwork Japanese MU

Vous aimez l'art japonais, vous utilisez du papier japonais pour vos impressions. Pourquoi cette culture vous inspire-t-elle autant ? 

 

Ma première visite du Japon (Tokyo) fut un choc. Je suis tombé amoureux de la dévotion des habitants, de l'esthétique, de la sophistication — tout ce qui est si magnifiquement décrit dans l'essai Éloge de l'ombre, de l’écrivain Junichiro Tanizaki. 

J’apprécie la forme du haiku, dont Roland Barthes explique qu’elle est la meilleure forme d'interprétation du présent : "l'art de réduire le plaisir infini de l'émotion à son essence" (Yamata). Je crois également que la simplicité est la sophistication ultime. Je m’intéresse aussi au wabi-sabi, le fait d’être présent dans le sentiment mélancolique, là où la beauté et la fugacité de la vie se rejoignent.

Alors que la culture est de plus en plus dématérialisée, vous soignez au contraire vos tirages, concevez vos livres comme des objets d’art. Est-ce là encore une manière de batailler contre l’éphémère, contre la disparition ? 

 

Il y a des parallèles à établir avec la vinification, comme à Château Palmer. On s’investit avec un dévouement total, en hissant sans cesse le travail vers le haut, tout en restant perméable au mystère, à ce que vous ne pouvez pas contrôler. Mon travail procède en deux étapes. La première est la collecte, un processus entièrement intuitif, dans lequel l'expérience émotionnelle est la clé et la technique reste mineure ou très faible. Lorsque je photographie, par exemple, je ne prête pas beaucoup d'attention à la netteté. Et puis, je me consacre ensuite au travail d'édition et d'impression. Ce processus peut prendre beaucoup de temps, tout comme le vieillissement du vin. Il est impossible de prédire ce qui en sortira, mais je traite cette deuxième partie avec le plus grand soin. Sachant que la vraie beauté réside dans l'imperfection, les petites erreurs, les marges ou les imprévus.

Paul Cupido's artwork black and with tree at night

© Contribution photos : Paul Cupido / Merel Waagmeester