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Le suc de la terre

Texte par Vincent Remy

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Le suc de la terre

La grande histoire du compost millésimé de Château Palmer.

Le suc de la terre

Des vaches dans les prés du domaine et des brebis dans les vignes. En faisant revivre cette tradition du Médoc, Château Palmer produit son compost, à partir de ses fumiers, ses sarments broyés et ses rafles de vendange. Ce cycle vertueux de la matière fertilise naturellement un terroir d’exception.

Aux premières lueurs du jour, un tracteur ronronne dans un pré. Avant la chaleur accablante de cette fin juillet, bergère et éleveur s’affairent à rentrer les foins, alignant les bottes sur la remorque qu’ils vont conduire à la bergerie. Château Palmer ne détient pas seulement des terroirs de graves parmi les plus beaux de l’appellation Margaux, mais également des hectares de prairies sur lesquelles paissent une vingtaine de vaches Bordelaises.

« Nous n’avons pas des vaches pour le décor, mais parce que nous avons décidé de produire notre compost pour fertiliser les vignes. Il nous fallait donc du fumier. »
Sabrina Pernet — Directrice technique, Château Palmer

Jusqu’au milieu du XXe siècle, la Bordelaise, reconnaissable à son élégante robe mouchetée de noir, dite pigaillée, était fort répandue dans les riches prairies alluviales comme dans les zones sablonneuses du littoral. Les plus grands châteaux possédaient un troupeau pour le lait et la fumure des vignobles. Menacée par la standardisation agricole, l’espèce a failli disparaître. Depuis 2013, Château Palmer participe à sa renaissance, conduite par le Conservatoire des races d’Aquitaine.

« Nous n’avons pas des vaches pour le décor, mais parce que nous avons décidé de produire notre compost pour fertiliser les vignes. Il nous fallait donc du fumier », déclare Sabrina Pernet, directrice technique du Château. L’idée a germé il y a une quinzaine d’années. Tous les sarments issus de la taille hivernale étaient alors brûlés. Se posait donc la question de cette matière organique perdue, du carbone rejeté dans l’atmosphère, alors que la propriété achetait du compost et des engrais. « On a décidé de récupérer ces sarments, de les broyer et de les composter, mais il nous fallait aussi de la matière animale, poursuit Sabrina Pernet. Comme on n’avait pas encore de bêtes, juste quelques brebis, on a acheté du fumier à un éleveur bio. C’est ainsi qu’est né notre premier tas de compost. »

Au fil des ans, l’affaire a pris une belle ampleur. Sur la parcelle dite « des Blés », non loin du Château, sont alignés plusieurs andains d’une cinquantaine de mètres chacun. Ici, les sarments de l’hiver. De décembre à mars, lorsque le sol est suffisamment sec, une machine attelée à un tracteur les ramasse et les broie. Là, le fumier, provenant de la bergerie et de l’étable. Plus loin, deux tas moins imposants, les déchets verts collectés tout au long de l’année par Vincent, le jardinier du Château, et le tri de vendange, rafles et débris végétaux, que les coups de bec des oiseaux ont un peu éparpillé. Dans quelques jours, une pelle mécanique effectuera le mélange des tas, godet après godet.

Une bonne année suppose des pluies fines et épisodiques. Car, trop sec, le compost se minéralise, devient cendreux. Pour pallier l’absence de précipitations, l’arrosage doit être modéré et régulier, sans quoi les éléments nutritifs, lessivés, se retrouvent dans le sol qui l’héberge. Outre la forme des tas et le taux d’humidité, la durée du compostage importe. Un compost jeune, trois mois de maturation, apportera davantage d’éléments nutritifs — l’azote, principalement, qui favorise la pousse du végétal — qu’un compost d’un an qui améliorera la structure des sols. À Château Palmer, on préfère des composts relativement âgés, parce que les sols du Médoc sont des graves sableuses qui comportent peu d’argile, et assez peu de matière organique.

« Le compost, c’est comme le vin, il y a les bons millésimes. Tout dépend de la température et des précipitations… »
Sabrina Pernet — Directrice technique, Château Palmer

On analyse le compost avant de décider de sa répartition sur les parcelles. Le jeune est réservé aux complantations, et aux parcelles nouvellement plantées — il donne alors un coup de pouce et aide au démarrage du pied. « La vigne n’a pas besoin de beaucoup d’apport organique, c’est pour cela qu’on ne met du compost qu’au départ, puis tous les trois ou cinq ans, au cas par cas, poursuit Sabrina. Notre objectif n’est pas seulement un apport de matière, mais d’énergie, de structure, de micro-organismes. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est intéressant que le compost soit issu de matières premières du terroir de Palmer. »

Grâce au compost et à l’herbe dans les vignes, la couleur et l’odeur des sols du domaine ont changé. Les analyses montrent que les taux de manière organique ont doublé, que l’herbe pousse désormais là où elle n’avait jamais poussé. « Quand on prend une motte de terre, constate Sabrina, on voit que la structure est grumeleuse et qu’elle se tient. Auparavant, quand on retournait la terre après la pluie, c’était souvent du béton. Maintenant, elle s’effrite comme de la farine… »

De la fin des vendanges au mois d’avril, Émilie, la bergère de Château Palmer, fait paître ses brebis dans la plupart des parcelles du domaine. « J’aime beaucoup ce moment, fin novembre, où nous recevons les brebis. Un éleveur du Médoc nous en confie une centaine chaque hiver, en plus de celles qui restent sur le domaine à l’année. Quand j’ai commencé à travailler à Château Palmer, nous ne possédions que trois vaches, à peine vingt brebis. Nous étions la risée du village ! Aujourd’hui, nous en avons vingt-six, accueillons ponctuellement jusqu’à deux cents brebis, mais aussi des cochons, des chèvres et un couple d’oies ! Et la profession regarde avec intérêt ce qu’elle jugeait folklorique il y a encore cinq ans. L’objectif, c’est d’être autonome à 100% en compost. Les bêtes sont aussi infiniment précieuses pour le travail de la terre : la brebis tond, l’oie gratte le sol, la poule mange les tiques. La bergerie participe enfin à construire notre futur paysage alimentaire. »

Les brebis ne se contentent pas de pâturer et d’entretenir l’enherbement au plus court, elles rendent les sols fertiles. Un compost de qualité donne vie aux sols, où se développe une flore diversifiée, entretenue par des brebis qui transmettent leur cortège digestif de micro-organismes. À l’évidence, l’idée d’avoir un compost qui vient de la propriété n’est pas affaire de prestige. « Nous, vignerons, ne sommes pas là pour nourrir la plante, mais pour que le sol soit vivant et que la plante ait tout pour se développer correctement sur ce sol bien structuré. Or, rien n’est le mieux adapté à un terroir que ce qui en vient ! Aller chercher du compost ou des amendements à l’autre bout de la France ne va pas dans le sens d’une entité autonome », poursuit Sabrina Pernet. Elle aime rappeler l’ambition de Thomas Duroux : « Mettre un lieu dans un verre. » Le compost n’est qu’un outil, une clé de la réussite de Château Palmer, qui a su magnifier ce cycle interne de la matière vivante.

« Nous, vignerons, ne sommes pas là pour nourrir la plante, mais pour que le sol soit vivant »
Sabrina Pernet — Directrice technique, Château Palmer

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